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Après y avoir habité, ils font du Blosne le héros d’un livre, loin des clichés

Publié le 21/04/2021

C’est une création littéraire unique. Pendant quatre ans, trois auteurs ont arpenté ce quartier né dans les années 1960, aujourd’hui en pleine mutation, rencontré ses habitants, pour en tirer un roman à six mains, une fiction tirée du réel.

 

L’histoire s’ouvre sur une réunion publique. Salle comble. Ambiance électrique. Au menu, le quartier du Blosne à Rennes et sa rénovation. Des préconisations d’un urbaniste, Youssef Bouras, qui essuie des sifflets qui mèneront à la décision d’une grande concertation.

Trois auteurs immergés au Blosne

Laisser une trace dans l’histoire d’un quartier en pleine rénovation, c’est l’idée du roman Boulevard de Yougoslavie, une première dans la création littéraire. Un travail de plus de quatre ans, né de la résidence successive de trois écrivains, qui ont chacun habité quelques mois dans le quartier du Blosne, « ils y ont fait leurs courses, croisé les habitants, partagé des déjeuners, raconte Charles-Édouard Fichet, directeur du Triangle, à l’initiative du projet. Entrer dans l’intimité des habitants, ça détruit le mythe du quartier unique. »

Dès 2005, la mairie parle d’une rénovation. C’est aussi ce que racontent les trois auteurs Arno Bertina, Mathieu Larnaudie et Oliver Rohe, réunis dans le collectif « Inculte », et qui ont écrit à six mains : « cette écriture collective nous dépasse, permet de voir plus large », explique Arno Bertina. Et il ne s’agit pas d’un document historique, « nous avons rencontré beaucoup de personnes, recueillis de témoignages, mais aussi pris beaucoup de liberté. »

« Annie Dalgaud », en artisane de la concertation

Cette fiction, est tirée du réel, de témoignages d’habitants, élus, techniciens, animateurs, qui ont donné corps à des personnages mosaïques. On y croise par exemple Annie Dalgaud, déterminante dans la mise en place de la consultation, personnage librement inspirée notamment des élus Eric Berroche et Frédéric Bourcier, (qui eux sont bien réels). C’est finalement ce quartier multiculturel, qui est le personnage principal du roman où il est question de politique, d’urbanisme, de démocratie, de la place des femmes, d’humanité…

« Pas payé pour ne faire voir que Tahiti »

Un portrait sans concession du quartier, où l’on croise les tricoteuses, ou Nicole, qui affirme que de sa fenêtre du 15e, on a pu voir le Mont-Saint-Michel, les participants aux cours de théâtre, de jeunes syriens, venus apprendre le français, les jeunes du quartier, qui ont pris l’habitude de se retrouver en bas des tours, ou de s’ennuyer sur le terrain de foot… Les habitants évoquent leur quotidien, leurs manques, la solitude, le deal, mais aussi l’entraide, la bienveillance.

« Ce qui m’a frappé, c’est le contraste entre l’aspect froid du quartier et la chaleur, l’envie, avec laquelle les habitants parlent du Blosne », explique Arno Bertina. Pour l’auteur, pas question de tricher, « nous n’étions pas payés par la mairie ou le quartier pour ne faire voir que Tahiti ! C’est aussi un reflet de la vie en Europe occidentale, ce désir de rencontres qui nous habite tous. »

« Comme partout, des jeunes qui s’ennuient »

Des trois auteurs, c’est Mathieu Larnaudie qui a été le premier à résider dans le quartier : « J’ai aimé y vivre. Ce quartier n’est pas vraiment périphérique, mais très proche du centre en métro et même à pied. » L’idée était de comprendre comment on y habite, quelles communautés y résident, appréhender la densité du tissu associatif, « on m’a souvent dit, il y en a pour tous les goûts ! » Mathieu Larnaudie y a croisé aussi beaucoup de jeunes, qui zonent, s’ennuient, mais ce n’est pas propre au Blosne, « c’est aussi le cas souvent à la campagne. »

Ce qui a plu à l’auteur, c’est de partir du Blosne, de le radiographier, pour raconter aussi comment on vit en Europe, « car il y a des similitudes dans ces quartiers qui hébergent la classe moyenne, voire une population plus en difficulté, qui ont connu des vagues d’immigration, partagent des ressemblances dans leur configuration. »

C’était aussi aller au plus près de la réalité, mettre à distance deux écueils, « la vision de la banlieue façon BFM, où tout est dangereux, tendu, ce que l’on n’a pas vu, et une autre vision où tout serait enchanté. Car il y a des problèmes comme des tensions entre communautés. L’enjeu pour les habitants, est de mieux connaître son lieu de vie pour mieux y vivre ensemble… »

« Beaucoup de bonnes volontés »

Olivier Rohé, lui, est arrivé au Blosne en 2019 : « c ela a été pour moi qui n’avais jamais habité dans ce type de zone urbaine, une découverte », se souvient l’auteur. J’ai été déstabilisé par le cadre, ces petits îlots autonomes, comme des villages, ses espaces verts, ses vides dédiés à l’époque pour la voiture. Je me suis beaucoup baladé dans le quartier pour m’imprégner de l’ambiance, comprendre l’architecture, j’ai échangé avec les habitants, mais aussi les personnes qui venaient travailler au Blosne, urbanistes, éducateurs de rue. Je n’ai en tout cas pas trouvé les clichés qui peuvent être véhiculés sur ces quartiers habités par des habitants issus de l’immigration. J’ai trouvé que tout cohabitait très bien, qu’il y avait beaucoup de bonnes volontés, bénévoles ou non, un souci de tolérance, de soutien, de soin social. »

Arabophone, Oliver Rohe a beaucoup échangé avec les jeunes Syriens, qui venaient au Blosne pour apprendre le français, « leur histoire m’a bouleversé. » Oliver Rohe a aussi croisé les habitants qui ne sortent pas du quartier, les groupes d’adolescents qui le week-end ne vont pas en ville, mais se retrouvent au centre Alma, « ce qui témoigne sans doute du manque de lieux de socialisation sur le quartier pour eux. »

 

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